PRÊT-BAIL

PRÊT-BAIL
PRÊT-BAIL

Le terme de prêt-bail a fait son apparition en France vers 1965. L’élaboration de ce néologisme faisait suite à l’introduction en France de notions qui se répandaient à l’étranger. «Prêt-bail» est composé de «prêt» qui évoque une notion financière et de «bail» qui évoque une notion juridique. On est donc en présence d’une donnée qui n’est viable qu’après adaptation, souvent difficile, aux critères financiers, juridiques, fiscaux du pays qui veut l’utiliser. Un nouveau mode de «financement» de biens d’équipement est apparu en même temps que se développait l’idée qu’il peut y avoir distinction entre propriétaire et utilisateur du bien, l’un comme l’autre y trouvant des avantages financiers. Des établissements se sont donc créés avec vocation d’acquérir des biens d’équipement pour les mettre à la disposition des utilisateurs en donnant à ceux-ci la possibilité d’accéder à la propriété du bien, mais en les retenant dans un cadre juridique préalablement défini, afin de garantir l’amortissement du prix de revient du bien et la rémunération du capital investi.

Évolution historique et géographique

Le prêt-bail est né aux États-Unis vers 1950 sous la dénomination de leasing (du verbe to lease : louer). Il est souvent dénommé crédit-bail, voire location-financement ou crédit-location. Depuis longtemps, les industriels pouvaient louer, assez facilement, les matériels nécessaires à certains besoins de leur activité: machines comptables, ordinateurs et surtout moyens de transports. Les établissements qui offraient ces locations étaient des filiales ou des départements spécialisés des firmes qui produisaient ces matériels.

La réglementation fiscale autorisait l’amortissement des biens donnés en location plus rapidement que ceux appartenant à l’utilisateur. Elle permettait également d’inscrire en charges d’exploitation, avant calcul des impôts, la totalité des loyers.

Les besoins engendrés par la guerre de Corée et la législation fiscale américaine amenèrent les industriels à rechercher pour leurs investissements un mode de financement original. Des sociétés furent constituées dont l’unique but était d’acquérir des matériels et de les donner en location aux industriels.

Ces opérations connurent un succès immédiat. De nombreux établissements spécialisés furent créés (leasing companies ), filiales de banques, de sociétés de vente à crédit, voire sociétés indépendantes dont certaines eurent accès au marché financier. En dix ans, le chiffre d’affaires passa de dix à près de sept cents millions de dollars.

Devant cette expansion, les leasing companies ont rapidement cherché à développer leur activité vers l’étranger. À partir de 1955, les constructeurs américains qui exportent des biens d’équipement vers de nombreux pays peuvent faire profiter leurs clients de ce mode de financement.

En Europe, c’est, à partir de 1960, la création par les leasing companies de filiales en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, en Belgique; puis, on note des prises de participations dans des sociétés qui se constituent dans chaque pays.

En France, la première société spécialisée voit le jour en 1962, sous l’égide d’une banque d’affaires; mais, simultanément, la plupart des groupes financiers créent leur propre société. Simple adaptation à l’origine des opérations pratiquées aux États-Unis, la formule connaît un succès rapide tout en révélant des problèmes juridiques et fiscaux qui justifient une réglementation apportée par une loi en date du 2 juillet 1966.

Jusque-là, seuls des matériels ont bénéficié de ce mode de financement. Pour les immeubles, en raison des problèmes juridiques soulevés, il faut attendre une ordonnance du 28 septembre 1967 et qui institue des établissements spécialisés: les Sociétés immobilères pour le commerce et l’industrie (Sicomi). Une loi du 6 janvier 1986 a permis l’extension de cette technique aux fonds de commerce ou artisanaux.

Spécificité et techniques

Pour mettre en évidence l’originalité du prêt-bail, il est intéressant de rapprocher quelques techniques qui présentent des analogies entre elles. Le prêt consiste à avancer une somme d’argent ou à confier un bien à une personne ou à une entreprise, contre engagement de remboursement ou de restitution, selon des modalités préalablement définies; le prêt s’appuie sur la confiance étayée éventuellement par des garanties; il est limité dans le temps et doit toujours se terminer par le remboursement ou la restitution du bien. Le terme de prêt est généralement limité à la notion de prêt d’argent, alors que le terme de location s’applique aux éléments mobiliers et immobiliers. Le prêt-bail est une opération de location de biens d’équipement, de matériel, d’outillage, ou de biens immobiliers à usage professionnel, spécialement achetés en vue de cette location par des entreprises qui en demeurent propriétaires, mais donnent à l’utilisateur la faculté d’acquérir le bien, à l’issue du contrat, pour une valeur préalablement déterminée.

La nature originale du prêt-bail réside dans deux particularités: le caractère irrévocable, pour les deux parties, du contrat de location pendant la durée de celui-ci et le caractère optionnel de la promesse de vente, puisque le locataire a toute liberté d’exercer ou non l’option d’achat qui lui est donnée au terme du contrat. La vente du bien n’est donc pas parfaite à l’origine, et l’esprit du contrat porte sur une opération de location. Cette particularité distingue le prêt-bail de la vente à tempérament qui entraîne une mutation immédiate de propriété, ou de la location-vente qui, elle aussi, s’appuie sur un contrat de location mais dont la finalité est le transfert de propriété qui devient effectif avec le paiement du dernier terme. Elle explique aussi l’attention particulière portée aux formalités de publicité dans cette opération, dans le souci d’informer les tiers. Le renting (de to rent , louer) s’apparente au prêt-bail, mais il s’en distingue par des caractères bien définis: le contrat de location, renouvelable, est généralement très court et inférieur à la durée normale d’amortissement du bien; il s’accompagne fréquemment de fournitures de services (entretien, personnel...); la société de location assume donc le risque de «chômage» de son matériel et, de ce fait, limite la gamme des biens offerts à sa clientèle. Le renting se pratique en particulier sur les voitures, matériels de transports, matériels de traitement de l’informatique. L’usufruit est le droit d’une personne de jouir, tel le propriétaire lui-même, d’un bien dont une autre a la propriété, sous réserve d’en conserver la substance; l’usufruit porte généralement sur des biens immobiliers, il n’entraîne pas pour l’utilisateur le paiement d’un loyer et ne lui confère pas le droit d’accéder à la propriété.

Les biens financés

Historiquement, les biens mobiliers ont été les premiers auxquels se sont appliquées les opérations de prêt-bail. Machines-outils et matériels de transports ont fait l’objet des premiers contrats dans la plupart des pays. L’activité s’est rapidement étendue à tous les matériels et, en particulier, aux matériels de travaux publics ou d’extraction. La durée des contrats varie de trois à cinq ans en moyenne. Les sociétés de prêt-bail se sont intéressées rapidement à d’autres débouchés: matériel aéronautique, matériel de navigation fluviale puis maritime, ordinateurs, télécommunications. Dans ce dernier cas, le financement n’est que le complément indispensable du financement de l’immeuble.

Le domaine immobilier ne s’est ouvert en France que depuis 1968 aux opérations de prêt-bail. Fort de l’expérience acquise dans le domaine des matériels, le succès de la formule se confirme rapidement. Les contrats ont une durée de quinze ans au minimum et portent sur des immeubles à usage exclusivement professionnel: locaux commerciaux (supermarchés), usines, entrepôts, bureaux, cliniques, hôtels, garages. La liste n’est pas limitative, seul le souci de l’investisseur de posséder des immeubles suffisamment «banalisables» pour pouvoir les offrir à de nouveaux utilisateurs, en cas de défaillance du locataire initial, freine le financement d’immeubles très spécialisés.

Aspects juridiques

L’introduction du prêt-bail dans la vie économique entraîne une évolution dans la conception de l’entreprise. Traditionnellement, la valeur d’une entreprise se jugeait sur la rentabilité qu’elle tirait d’un actif industriel qui était sa propriété et qui constituait son répondant face à ses interlocuteurs, principalement ses actionnaires et ses banquiers.

À présent, l’établissement de prêt-bail se substitue à l’entreprise pour réaliser une part de ses investissements sans toucher au fonds de roulement et sans lui imposer une recherche de capitaux permanents ou de fonds propres. Il y a donc avance de fonds propres faite par l’investisseur sans que celui-ci devienne actionnaire de son locataire. L’établissement de prêt-bail n’intervient pas dans la gestion de l’entreprise et, si cette dernière vient à être mise en faillite, les créanciers n’auront aucun droit sur les biens industriels qui faisaient l’objet du contrat de prêt-bail.

Cette indépendance juridique entre les parties contractantes n’exclut pas l’existence entre elles de droits et d’obligations. L’utilisateur choisit librement le bien dont il désire avoir l’usage, et assume ensuite tous les risques du propriétaire pour son entretien, sa garantie par des assurances et sa conservation. Il lui est interdit de céder ou de louer ce bien et, puisqu’il n’en est pas le propriétaire réel, il ne pourra pas le nantir ou l’hypothéquer. De son côté, le bailleur s’engage à respecter la jouissance du locataire, se réservant seulement un droit de visite pour vérifier l’état du bien loué. Il s’interdit de résilier arbitrairement le contrat, tout comme le locataire, et réserve à celui-ci la faculté d’acquérir le bien en fin de contrat.

Cette situation présente pour le bailleur des risques différents de ceux que peut connaître le banquier. Pour ce dernier, le risque est de ne pas être remboursé de sa créance à l’échéance; afin de se protéger, il cherchera dès l’origine de l’opération à obtenir des garanties particulières qui lui donneront une position privilégiée par rapport aux autres créanciers. Pour le bailleur, le risque est de ne pas voir acquitter le loyer que doit lui verser son client; si ce dernier est insolvable, le bailleur se trouvera détenteur d’une créance dont il cherchera le règlement au même titre que les autres créanciers de son locataire, mais il pourra récupérer immédiatement et intégralement le bien dont il est toujours resté légalement propriétaire; son risque propre ne se limite pas aux loyers dus et non payés, il se situe dans le bien lui-même qu’il devra relouer ou vendre dans les délais les plus rapides pour éviter d’immobiliser ses capitaux sans les rentabiliser.

Prêt-bail et économie

Mode de financement original, le prêt-bail constitue pour les entreprises une ouverture indirecte sur le marché financier. Les établissements de prêt-bail, qui sont obligatoirement des établissements de crédit depuis la loi du 24 janvier 1984, doivent disposer de capitaux importants qu’ils se procurent auprès de leurs fondateurs (banques, compagnies d’assurances, groupements professionnels), auprès des milieux financiers après introduction en bourse, auprès des épargnants par des émissions d’emprunts obligataires. La nature et l’importance de ces capitaux, qu’il convient de rémunérer, justifient le coût généralement élevé de ce mode de financement. Comme pour tout financement extérieur, l’entreprise doit doser son recours au prêt-bail: une utilisation excessive menacerait l’indépendance de l’entreprise, car celle-ci doit obtenir de son bailleur un accord pour apporter aux matériels comme aux immeubles les transformations qui peuvent lui paraître souhaitables.

Les opérations de prêt-bail ne sont pas inscrites au bilan comme les prêts à moyen ou à long terme. Elles ne compromettent pas l’équilibre du bilan; cependant, cette façon de se procurer des biens d’équipement n’accroît pas l’actif industriel sur lequel on juge souvent une entreprise.

Les sociétés de prêt-bail jouent un rôle économique réel: par la rapidité, la souplesse ou l’importance de leurs interventions, elles facilitent l’équipement des entreprises et contribuent au progrès technique. En s’ouvrant à l’épargne, elles lui permettent de participer immédiatement au développement économique et industriel.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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